Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 02.djvu/43

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fâché d’être ingrat : mais je me résoudrais plutôt de l’être, que d’aimer.

La Princesse
Telle personne vous aimerait, peut-être que votre cœur…

Euryale
Non ! Madame, rien n’est capable de toucher mon cœur, ma liberté est la seule maîtresse à qui je consacre mes vœux, et quand le Ciel emploierait ses soins à composer une beauté parfaite, quand il assemblerait en elle tous les dons les plus merveilleux, et du corps et de l’âme. Enfin quand il exposerait à mes yeux un miracle d’esprit, d’adresse et de beauté, et que cette personne m’aimerait avec toutes les tendresses imaginables, je vous l’avoue franchement, je ne l’aimerais pas.

La Princesse
A-t-on jamais rien vu de tel ?

Moron
Peste soit du petit brutal, j’aurais envie de lui bailler un coup de poing.

La Princesse, parlant en soi
Cet orgueil me confond, et j’ai un tel dépit, que je ne me sens pas.

Moron, parlant au prince
Bon courage, Seigneur, voilà qui va le mieux du monde.

Euryale
Ah ! Moron, je n’en puis plus, et je me suis fait des efforts étranges.

La Princesse
C’est avoir une insensibilité bien grande, que de parler comme vous faites.

Euryale
Le Ciel ne m’a pas fait d’une autre humeur : mais, Madame, j’interromps votre promenade, et mon respect doit m’avertir que vous aimez la solitude.


Scène 5

La Princesse, Moron, Philis, Tircis.

Moron
Il ne vous en doit rien, Madame, en dureté de cœur.

La Princesse
Je donnerais volontiers tout ce que j’ai au monde, pour avoir l’avantage d’en triompher.

Moron