Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 02.djvu/45

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âme est entièrement insensible. Allons, je veux lui parler, et suivre une pensée qui vient de me venir.


TRPISIEME INTERMÈDE

Scène première

Philis, Tircis.

Philis
Viens, Tircis, laissons-les aller, et me dis un peu ton martyre de la façon que tu sais faire ? Il y a longtemps que tes yeux me parlent ; mais je suis plus aise d’ouïr ta voix.

Tircis, en chantant.

Tu m’écoutes, hélas ! dans ma triste langueur ;
Mais je n’en suis pas mieux, ô beauté sans pareille !
Et je touche ton oreille
Sans que je touche ton cœur.

Philis
Va, va, c’est déjà quelque chose que de toucher l’oreille, et le temps amène tout. Chante-moi cependant quelque plainte nouvelle que tu aies composée pour moi.


Scène 2

Moron, Philis, Tircis.

Moron
Ah ! ah ! je vous y prends, cruelle ; vous vous écartez des autres pour ouïr mon rival ?

Philis
Oui, je m’écarte pour cela ; je te le dis encore. Je me plais avec lui, et l’on écoute volontiers les amants lorsqu’ils se plaignent aussi agréablement qu’il fait. Que ne chantes-tu comme lui ? Je prendrais plaisir à t’écouter.

Moron
Si je ne sais chanter, je sais faire autre chose, et quand…

Philis
Tais-toi, je veux l’entendre. Dis, Tircis, ce que tu voudras.

Moron
Ah ! cruelle…

Philis
Silence, dis-je, ou je me mettrai en colère.

Tircis

Arbres épais, et vous, prés émaillés,