Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/103

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LITTÉRATURE ET ART 99 ` dès le début de ses satires, il nous fait entrer dans le Sénat des Dieux `en grand délibéré sur la question que voici : « Rome merite—t-elle encore la protection des Immortels? ¤ » Il nomme par leurs noms corporations, corps d’état, indi- vidus : la poésie politique et sa polémique, exclues du théatre romain, vivent et respirent dans son œuvre, comme en leur vrai élément; et jusque dans les trop rares débris qui nous restent, nous retrouvons le charme et la puissance d’une inspiration ardente et riche : nous voyons le poète encore s’élançant « l’épée levée » [ease uelut stricto] sur l’ennemi, qu’il transperce. Aussi quel ascendant moral, quel sentiment noble et fier chez ce Latin venu de Suessa? Et quand plus tard, au siècle alexandrin de la poésie romaine, le poète aimable de Vénousie voudra reprendre et continuer l’œuvre de la satire Lucilienne, il faudra bien que justement modeste, en dépit de sa forme et de son art plus fins, il rende les armes au vieux poète « son meilleur! » — A La langue de Lucilius est celle d’un homme ayant reçu a fond la culture gréco-latine: tout d’une venue et d’aban- _ don, il est trop pressé de dire pour chàtier son vers : il ` improvisera jusqu’à deux cents heœamètres avant la table mise et deux cents encore après la table desservic* Aussi ‘ [Virgile a ici imité Lucilius, et notamment Iui a pris ce vers ~ fameux : _ · · Concilium summis hominum de rebus habebunt. (Servius, ad Encid. X, 104.) Lucilius s’écrie alors : I Vellem concilio vestrûm, quod dicilis, olim Cœlicolœ; vellem, inquam, adfuvissemu’ priore Concilio .... ] · " [ ..... in hord sœpe ducentos . Ut magnum, versus dictabat, stans pedo in uno. Èarrulus, dique jiigeriscrilzeiuti terre loborèm,. I Scribendi rccte. ‘ (Horat. Sat. I, 4, 9 et s.) Et ailleurs : q ‘ Hoc Iantum contentus, amat scripsisse ducentos Ante cibumversus, totidem cœnatus _ (Horat. I, 10, 60.)]