Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/105

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de Lucilius se placent exactement au même niveau, tenant compte d’ailleurs de ce que peuvent étre l’une à l’autre l’œuvre littéraire soigneusement travaillée, afiinée à la lime, et la simple épître écrite au courant de la main. Mais le chevalier de Suessa avait sur l’esclave africain l’avantage d’une inspiration incomparablement plus haute, et d’un génie observateur plus libre: de là sa fortune littéraire éclatante et rapide. Pendant que Térence n’avait que de pénibles et douteux succes, à Lucilius il fut donné d’étre le favori de la nation; et il put dire de ses vers, à peu près comme Béranger, qu’ils seraient lus, seuls entre tous, par le peuple ! L’incroyable popularité des poésies Luciliennes est en effet un événement remarquable, historiquement parlant. Il ressort de la que la littérature est devenue une puissance; et nous en rencontrerions souvent les manifestations, si nous avions par le détail les annales de ce siècle,. La postérité vint, qui confirma le jugement des contem- porains: parmi les critiques de Rome, les anti-alexandmzs placerent toujours Lucilius, au premier rang parmi les poètes latins. En ce qui touche la satire et la forme qui lui est propre, on peut dire qu’il l’a vraiment créée; et il a créé avec elle l’unique genre que les Romains puissent revendiquer comme leur appartenant, et qu’ils aient légué aux siècles postérieurs *.

Quant à la poésie se rattachant à l'alexandrinisme, rien à Rome qui vaille la peine d’être nommé, au vn° siècle, sauf pourtant quelques petites épigrammes traduites des Gréco-Égyptiens, quelques imitations dont on ne devrait rien dire pour elles-memes, si ce n’est qu’elles font pressentir le siècle de la jeune littérature. En dehors du petit nombre de poètes peu connus, et dont l’âge même ne se peut avec sûreté préciser, citons seulement Quintus Catulus

‘ Comparer à ce jugement sur Lucilius les études du regrettable Ch. Labitte sur la Satire a Rome et les Satires de Luczle (Revue des deux Mondes, 1 mai 1844 et 1 octobre 1845), et A. Pierron, Hist. de la litterature rom. ch. X, pp. 142 et s.]