Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LITTÉRATURE ET ART 107 l’homme sérieux qui le lit. Est-il méthode politique plus absurde que d’aller faire sortir l’excellente constitution de · , Bome,d'un habile mélange des éléments monarchique, aristocratique et démocratique; que de faire sortir les succès de Rome de l'excellence de sa c0nst·itution? Sur les ` 1·apports généraux des choses, rien qu’un positivisme I effrayant à force de sécheresse et de froideur : sur la reli- gion, rien que l’infatuation irritante et que les dédains ` d’une fausse philosophie? Le style et le récit contrastent à , dessein avec la manière habituelle des Grecs et _leur pré- _ tention au beau langage : tout exact et précis qu’il est, Polybe est en même temps sans force et incolore, il ` s’égare plus souvent que de raison dans lcs digressions · polémiques, ou dans les détails complaisants de sa vie ` personnelle; il tourne alors aux simples mémoires, à tort presque toujours, dans son propre intéret. On sent d’aillcurs dans tout son livre comme un courant d’oppo- sition. Écrivant surtout pour les Romains, et n’ayant parmi eux qu’un cercle étroit d’auditeurs qui le pussent com- A prendre, il se sentait étranger dans Rome, quoi qu’il pût faire : pour ses compatriotes il restait un apostat : avec sa vaste intelligence des choses il voulait appartcnirà l’avenir , plutot qu’au présent. De la cette teinte de morosité, de là cet accent amer dans sa polémique contre les historiens A grecs, fugitifs comme lui ou vendus, et contre les historiens ‘ . sans critique de Rome: il leur cherche mesquinement ` querelle, et délaissant alors la gravité du genre, il prend le ton du journaliste. Écrivain sans charme, au résumé : mais si la vérité, si la sincérité valent plus que l’ornement et · l’art, convenons qu’il n’est point d’auteur ancien à qui nous · ' devions un enseignement plus solide. Son livre me rappelle les soleils de nos pays [du Nord] : au début, les nuages s’élèvcnt et disparaissent à l’horizon des guerres du Sam- _ nium et de Pyrrhus: à la fin, le crépuscule redescend, · ` plus triste, s’il se peut, que la veille. · . A coté de cet effort grandiose , et de cette large concep-