Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/140

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I 136 LIVRE V, CHAPITRE I et du disque, habile et fort cavalier, non moins habile à l'escrime, plein d’audace à la tète de ses volontaires; à cet àge où il n’avait encore ni l'entrée des grandes cbarges, ni I celle du Sénat, il avait été salué Imperator, il avait eu le triomphe : l’opinion, derrière Sylla, lui avait assigné la · première place; et le régent lui-mème, moitié aveu, moitié ironie, lui avait laissé prendre le surnom de « Grand! » Par malheur, son génie n'allait point à la hauteur de son prodigieux succès. Il n'était certes ni méchant, ni inca- pable, il n'était qu'un homme ordinaire. La nature l’avait ` créé pour étre un bon subalterne: les circonstances cn avaient fait un général et un homme politique. En lui vous trouviez le militaire, le soldat intelligent, brave, expéri- menté, excellent entin, sans l’étincelle d’une vocation plus haute : général d’armée, sur le cbamp de bataille et partout ailleurs, du reste, il n’en venait à l’action qu’avec une prudence extrème, et touchant presque à la pusillani- A mité. Il ne voulait frapper le coup décisif que quand il avait la conscience de la plus écrasante supériorité. Son éducation avait été celle de tous les Romains de son sièclc. Foncièrement homme d'épée, il ne marchanda aux rheteurs quand il vint à Rbodes, ni son tribut d'admiration, ui ses dons. Il avait la probité du riche, sachant bien mener son train de maison à l'aide de sa grande fortune, héritée ou acquise : il ne dédaignait point de faire de l’argent selon les méthodes en usage parmi les sénateurs: mais froid par tempéramment, et aussi trop opulent, il n'allait pas . s’embarquer dans les spéculations dangereuses, et assumer la responsabilité des gros scandales. Son renom de probité et de désintéressement, renom mérité d’ailleurs à en juger relativement, il le dut aux vices en vogue chez ses contem- porains plus encore qu’à sa vertu personnelle. C’était . chose presque proverbiale que '« l’honnéte visage de Pompée; » et même après sa mort, on vantait la sagesse et la dignité de ses mœurs. En réalité, il fut bon voisin; il ne s’adonna point ii ces pratiques révoltantes des grands