Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/204

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200 . LIVRE V, CHAPITRE ll . _ . vrai de dire que jamais l’heure et l?occasion ne`s’étaient présentées plus favorables de déclarer enfin à Tigrane une A guerre depuis longtemps inévitable. Le Sénat avait prog clamé les deux princes rois légitimes de Syrie, mais sans se décider à les appuyer parles armes. A vouloir saisir· l’occasion et agir avec vigueur contre l’Arménien, il fallait donc que Lucullus ouvrit la guerre sans mission, de son Q seul mouvement, à.ses risques et périls. Comme Sylla jadis, il se voyait dans la nécessité de prendre en main les intérêts les plus manifestes de la République, et d’aller de l’avant sans elle, je dirai meme malgré elle. D’ailleurs, les rapports entre Rome et l’Armenie flottaient depuis longtemps entre la paix et la guerre, et ce qu’ils avaient d’ambigu venait en aide à Lucullus : il y trouvait et la raison de se décider et une couverture pour ses actes arbi- traires. Les cas de guerre abondaient. En»Cappadoce, en Syrie, que de causes de rupture! Déjà quand les Romains ' avaient poursuivi le roi du Pont, ils avaient violé le terri· I toire du Grand-Roi. Donc, sïautorisant de sa mission contre Mithridate, et voulant n’en point sortir en appa? _ rence, il envoya un de ses officiers, Appius Claudius, · à Tigrane, alors dans Antioche, et lui réclama l’extradition ` de l’ex-roi. Autant valait déclarer la guerre, et l’audace · était grande, dans la situation des légions. Il fallait, péné- _ trant en Arménie, occuper fortement le vaste territoire du ‘Pont, sans quoi les Romains eussent été coupés d'avec . leurpatrie; et puis, il fallait prévoir un retour offensif du roi dans ses états. Or, l’armée,à la tète de laquelle Lucullus . avait —mené à fin la guerre pontique ne comptait guère I que 30,000 hommes. Évidemment, elle ne suffisait point à sa double tache. Dans les circonstances ordinaires ,-un autre général aurait demandé et obtenu l’envoi par le gou- vernement d’une seconde armée : mais voulant la guerre par—dessus la tete des sénateurs, et se croyant obligé meme à ce coup d’audaee, Lucullus renonça, bon gré mal · gré, à s’appuyer sur un second- corps; il se contenta d’en- ·