Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/374

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V 370 LIVRE V, CHAPITRE VI ` ` · aurait sa base dans le peuple, dont il ne serait que la I représentation la plus noble et la plus parfaite, le peuple, ' — à son tour, dans ses plus nobles et plus complets éléments, le reconnaissant pour le dépositaire de sa confiance. César 4 lui·méme avait eu foi en ces théories : mais tout ce que peut l’idéal en pareil cas, c’est d’agir sur la réalité, sans jamais devenir la réalité méme. Ni le pouvoir populaire pur, comme Gaius _Gracchus l’avait possédé un instant; ni la démocratie armée, essayée insuffisamment d’ailleurs par Cinna, n’avaient pu se soutenir et s’asseoir d’un poids durable au sein de la République romaine : bientot l'armée, cette machine de combat, obéissant à un général et non à un parti; bientot, avec elle, la tyrannie brutale des Con- . dottieri, après avoir fait son entrée en scène au service de la restauration, se placèrent nettement au-dessus de toutes les situations. César, des qu’il se méla à la vie pratique, s’en convainquit luî—méme : il prit sa décision, et mûrit au fondde son esprit le redoutable projet de faire aussi dela machine de l'armée l’instrument de ses idées poli- _ tiques. Une fois devenu le maître supreme, l’ofiicier de fortune procéderait en conséquence à la reconstruction de ,61 ¤v· J··C· l’État. Telles étaient ses vues déjà, quand en 683, il avait conclu avec les généraux de l'autre parti ce pacte d’al- liance (p. 241) qui tout en leur imposant le programme démocratique, n’en devait pas moins conduire et les _ h démocrates et César au bord de l’abime. Telles furent ses vues encore, quand, onze ans plus tard, il voulut se faire condotticrc à son tour. Dans l·'une et l'autre occasion, il y mit une sorte de naïveté : il eut pleine foi dans la possibilitéde fonder l’État libre, non par le pouvoir d’une autre épée, mais par le pouvoir de la sienne. Confiance décevante, on le voit sans peine, qui prenant l'esprit du mal à son service, s’en fait bon gré mal gré le valet. Mais les plus grands hommes ne sont pas ceux qui se trompent le moins. Que si après vingt siècles, nous nous inclinons respectueux devant la pensée de César et devant "