Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/59

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RELIGION 55 foi. Le stoïcien acceptait les croyances populaires avec leurs dieux et leurs oracles; et en cela, il agissait par principe. La foi à ses yeux est une notion d’instinct, que toute notion ' scientifique doitrespecter, a laquelle méme, en cas de doute, elle doîtse subordonner. Le stoïcien ne croyait pas, . à vrai dire, autre chose que le peuple: seulement il croyait autrement 2 pour lui, le Dieu, essentiellement vrai et supréme, c’était l'àme du monde 2 mais chacune des mani- festations de l’Étre primaire était Dieu aussi', les astres tout d'abord, puis la terre, le cep de vigne, l'àme du mortel illustre, du héros que le peuple honore, et enfin tout esprit envolé du corps de l'homme qui n’est plus. Une telle phi- losophie convenait mieux à Rome qu’à la Grece, sa patrie. Le pieux croyant reprochait-au stoïcien sa divinité sans sexe, sans àge et sans corps, échangeant la personnalité contre une pure idée: reproche fondé chez les Grecs, mal ' fondé chez les Romains. L’allégorie grossière, la puritica-_ tion morale enseignées par la théodicée stoïque, ôtaient à la mythologie des Hellenes son principal et meilleur élé- ment; mais à Rome, le génie plastique des temps naïfs s’était arrété court, et n’avait rien fait que revétir d'un _ voile léger, facile à rejeter et sans grand préjudice, les _ visions innées et les notions premieres, d’où la divinité était sortie. En Grece, Pallas Athénè se serait courroucée, . V se voyant tout à coup réduite à n'étre plus que la faculté de mémoire} la Minerve romaine n’avait jamais été guère que cela. La théologie supranaturaliste des stoiciens, et la théologie allégorique de Rome se rencontraient donc ` dansleursconclusionsfinales.Etméme,quandlephilosophe _ aurait dû proclamer douteuses ou fausses telles théories , - chères au sacerdoce ;' quand, rejetant le dogme des apo- théoses, le stoïcien continuait à ne voir dans Hercule, Castor et Pollux, que les esprits des grands hommes; quand il se refusait à croire à Ia représentation divine dans l’image plastique des dieux, encore n’était—il point dans la mission que Zénon avait léguée à ses disciples, d’ouvrir