Page:Monod - Portraits et Souvenirs, 1897.djvu/32

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de sa vie, qui a été comme le symbole de la vie de la France au xixe siècle. Poète objectif par excellence, ce n’est pas sa propre âme, son propre cœur et son propre esprit qu’il a révélés par ses chants : c’est les sentiments généraux de l’humanité, les beautés de la nature, les drames de l’histoire ; c’est surtout l’âme mobile de la France moderne. Il s’est comparé lui-même à un « écho sonore », que Dieu mit au centre des choses pour vibrer à tous les bruits et à tous les chocs. Il a, en effet, chanté toutes les gloires de son pays et en a traduit toutes les passions ; aussi n’est-il aucun parti qui ne trouve à l’admirer, à le revendiquer par quelque côté. Fils d’un soldat de la République devenu général de l’Empire et d’une Vendéenne légitimiste, il est comme la synthèse des tendances diverses qui se combattent dans la France moderne. Il chante d’abord la royauté des Bourbons, puis, avec les libéraux de la Restauration, les victoires impériales et la figure légendaire de Napoléon ; il est à la tête du mouvement romantique, où le néo-catholicisme et le culte du Moyen âge se mêlent aux revendications révolutionnaires en faveur de la liberté dans l’art. Après 1830, il appartient au monde libéral orléaniste et devient pair de France, tandis que Lamartine est un des chefs de la gauche démocratique. En 1848, ses anciens enthousiasmes napoléoniens font d’abord de lui un partisan du prince Louis-Napoléon, mais dès que celui-ci aspire à la dictature, Victor Hugo entre en lutte avec lui et se