Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/368

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Inutile : son nom est sur votre lèvre, sur votre sourire. C’est Georgina IV. Trois bourgeois vont demander ce que c’est que Georgina IV. Oh ! les ignorants ! Est-il besoin de leur apprendre que Georgina IV est née Héloïse Picard ? Méritent-ils de savoir qu’une arrière-boutique de crémière, dans la rue de l’Échiquier, a servi de berceau à cette amazone des temps modernes ? Ils n’ont donc jamais lu les feuilletons, ces trois bourgeois ? Ils n’ont donc jamais été au théâtre, ces trois bourgeois ? Ne leur répondons pas ; ils doivent avoir des neveux ; laissons-les interroger ces neveux.

Ah ! trois bourgeois ! je ne vous souhaiterais pas de tomber entre les griffes mignonnes et blanches de Georgina IV ! Vous y laisseriez les dernières onces de ce précieux capital que vous appelez votre bon sens. Vous vous croyez bien forts, trois bourgeois ! vous vous croyez réglés comme des papiers de musique, vous avez la conscience de vous conduire comme quelqu’un qui se respecte ; priez le ciel qu’il ne vous fasse pas rencontrer Georgina IV. Elle vous en ferait voir de belles.

Il n’y a pas de famille pour elle, il n’y a pas de patrie, il n’y a pas de terre, il n’y a pas de mer, il n’y a pas de lois, il n’y a pas d’usages : il y a une proie et elle, elle et quelqu’un, le premier venu pourvu qu’il soit riche. Vous, qui me lisez, oh ! ne hochez pas la tête : cette invasion, des démons fardés dans les intérieurs assoupis, dans les imaginations obtuses, dans les existences sans occasions, cela n’a pas été assez décrit, ou cela n’a pas été peint d’assez décrit, ou cela n’a pas été peint d’assez violentes couleurs.

Georgina IV a traversé la société comme une balle de pistolet traverse l’air, en déchirant, en sifflant, en tuant. Elle a commencé par des commis, elle a fini par des potentats. Quel terrible concert organiserait Berlioz avec toutes les porcelaines, tous les miroirs, tous les flacons, tous les verres qu’elle a brisés ! Donnez-lui un prix de vertu, elle vous rendra un forçat ; confiez-lui M. Prud’homme, elle vous le métamorphosera en Robert-Macaire. C’est la Circé actuelle, que personne n’a peinte encore, et autour de laquelle Gavarni seul a timidement rôdé.

Georgina ou Héloïse Picard a été actrice, à ce qu’on dit, ou plutôt à ce qu’elle dit. Le fait est qu’elle a paru devant un public, qu’elle a parlé, qu’elle a chanté, qu’elle s’est fâchée,