Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/71

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La première carte que reçut Marianna, deux jours après son arrivée à Londres, fut celle de M. Philippe Beyle.

M. Philippe Beyle n’était pas, comme Irénée, un personnage discret et posé. Son extérieur, des plus favorables du reste, annonçait la bonne humeur et l’audace. Il était grand, il parlait haut et agissait vite. Quelque chose se sentait en lui de la race des Courtisans militaires de l’époque de Louis XIII.

Il afficha tout de suite et bruyamment ses prétentions sur la Marianna. C’était un excellent moyen, sinon pour écarter ses rivaux, du moins pour les intimider, car bien que puissent en maugréer les cœurs délicats, il n’y a que les ficelles qui réussissent en amour comme en littérature. À toutes les subtilités du sentiment, la majorité des femmes préférera toujours la déclamation et les témérités. Et c’est dans la majorité des femmes que nous avons classé Marianna.

Aussi lui fut-il impossible, à la fin, c’est-à-dire au bout de quelques jours, de ne pas accorder son attention à ce jeune homme singulier qui lui envoyait des fleurs matin et soir, des lettres soir et matin, qui, au théâtre, ne la quittait pas des lorgnettes, et qu’elle était assurée de rencontrer sur son passage chaque fois qu’elle se hasardait à sortir.

Cette obsession qui lui parut être, à juste titre, assez pertinente, eut pour résultat progressif de la mettre en colère, puis de la faire rire, et finalement de la toucher. Elle compara la physionomie hardie et gaie de Philippe Beyle au visage chagrin d’Irénée. Ces façons d’agir, un peu vulgaires sans doute mais pleines d’entraînement et chassant devant elles les réflexions, l’étourdirent comme eût pu le faire un vin trop fort. Elle voulut être aimée avec joie, elle qui n’avait été aimée qu’avec mélancolie ; elle croyait, sans se rendre compte des nuances, que, de ces deux hommes, le supérieur était celui qui sollicitait l’amour avec despotisme au lieu de l’attendre avec humilité. Enfin Marianna estimait trop Irénée pour l’aimer ardemment - ces choses-là, nous le savons, sont cruelles à jeter sur le papier.

Bref, Marianna, qui n’avait pas failli avec Irénée de Trémeleu, succomba avec Philippe Beyle.