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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

d’un coin des troisièmes pour venir recevoir sur la scène l’hommage dû à l’honnêteté de son talent. Peut-être le Cousin Jacques était-il un peu facile à ces ovations multipliées ; mais que n’excuse-t-on pas chez un auteur animé de l’amour du bien ?

Malgré de tels succès, il gardait toujours au fond de son cœur un reste de tendresse pour ses défuntes Lunes, celles qui avaient éclairé sa jeunesse poétique. Dès qu’il le put, il tenta de les ressusciter sous le titre de Nouvelles Lunes ; elles vécurent ainsi pendant quelques mois, puis elles s’éteignirent tout à fait. Il crut alors qu’il s’était trompé, et il résolut de donner dans un genre différent. Changeant de format, il fonda le Consolateur ou Journal des honnêtes gens, paraissant toutes les semaines en cahier de vingt-cinq pages environ. Le Consolateur s’occupait surtout de matières politiques, et, quoique habilement tournée à la plaisanterie, sa critique n’en avait pas moins bec et ongles : Brissot, Bazire, Condorcet, Manuel, Chabot étaient particulièrement les objets de ses attaques. « Un crime de Satan m’étonnerait plus que mille crimes de Condorcet ! écrit-il ; je ne conçois pas que cet homme vil, que ce cœur profondément gangrené, reste toujours impuni[1]. »

Le Consolateur mit le cousin Jacques en rapport avec beaucoup d’hommes célèbres de la Révolution.

  1. Cette haine contre Condorcet allait jusqu’au transport ; en voici un second trait : « Condorcet, dans la séance du lundi, a dit qu’il répondait de Chabot. Lâches pieds plats ! les deux font la paire. Ces deux hommes sont bien dignes l’un de l’autre ; c’est Cartouche qui répond de Mandrin ! » (Consolateur, no 53.) Plus tard, dans son Dictionnaire, le Cousin Jacques s’est exprimé avec moins de passion sur Condorcet.