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LE COUSIN JACQUES.

dit-il en secouant douloureusement la tête. Et il continua son chemin.

À Paris, sa section tout entière l’accueillit avec les plus cordiales démonstrations. Il aurait pu vivre tranquille, à la condition de laisser passer la tourmente ; le besoin de publicité l’emporta. Il publia un volume ayant pour titre : La Constitution de la lune, rêve politique et moral. La lune ! il en revenait toujours là, c’était son thème favori ; pour lui, Phœbé avait remplacé Apollon. La Constitution de la lune est l’exposé d’un régime républicain tout de conciliation et de paix. On y trouve quelques bonnes idées mêlées à beaucoup de folies, ce qui n’empêcha pas la première édition de s’écouler en cinq jours. À la seconde, enhardi, il ajouta cette épigraphe : « Vous proposez la mort à quiconque propose la monarchie… Eh bien, voici une république sans athées, sans factieux, sans tyrans, sans enthousiastes ; où la religion, les mœurs, la justice, la paix et surtout l’horreur du sang font le charme de la vie et l’essence de la liberté. »

On était en pleine Terreur. Le pauvre Cousin Jacques, qui avait sa femme et ses enfants à nourrir, se vit dans l’obligation de faire contre fortune bon cœur : il fit jouer, au milieu des massacres, un opéra-comique, sous ce titre d’un optimisme un peu forcé : Allons, ça va, ou le Quaker en France. Ce fut également en 1793 qu’il composa la ravissante chanson : Petit à petit l’oiseau fait son nid, au bruit des charrettes roulant vers l’échafaud.

Mais il n’en était pas demeuré moins sombre pour cela ; au contraire. C’était un Cazotte amoindri et sanglotant, comme le trait suivant va le montrer. Il