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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

vaux soupe au lait, dont je suis folle à en perdre le boire et le manger.

« — À propos de chevaux, reprit le marquis, vous rouvrez une plaie encore saignante : il m’en est mort un des miens, qui était bien la meilleure bête… Je l’avais gagné au cavagnol.

« — Quelle folie ! dit-elle ; depuis quand joue-t-on des chevaux au cavagnol ?

« — Mais cela n’est point neuf ; d’où venez-vous donc pour ignorer qu’à la cour, quand l’argent manque, nous jouons tout, terres, équipages, chevaux, nos femmes même, quand on veut bien se contenter de semblable monnaie ?

« — Cela est d’autant plus plaisant, dit la comtesse, que, dans ce cas-là, vous jouez souvent ce qui n’est déjà plus à vous.

« — Oh ! nous sommes là-dessus d’une philosophie dont rien n’approche. Mais que vois-je ? une brochure nouvelle ! Je n’ai pas l’avantage de la connaître.

« — On me l’a apportée ce matin, et je ne sais trop si je dois la lire.

« — Il est bien décidé, dit le marquis, que c’est une misère, comme toutes les autres qui ont paru. Je n’en sais pas un mot, et je vais gager de vous dire ce que c’est d’un bout à l’autre. Apparemment qu’il est question de quelque fée qui protège un prince pour lui aider à faire des sottises, et de quelque génie qui le contrarie pour lui en faire faire un peu davantage ; ensuite des événements extravagants, où tout le monde aura la fureur de trouver l’allégorie du siècle.

« — En vérité, reprit la comtesse, il n’est pas con-