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LE CHEVALIER DE LA MORLIÈRE.

Il m’était impossible, dans cette aventure, de méconnaître le doigt de Frétillon.

J’enrageai. Ma contenance fut toutefois celle d’un homme de condition, qui prend galamment les choses, et qui compte assez sur son imagination pour n’être pas inquiet de sa revanche.

En effet, l’occasion se présenta de mettre les rieurs de mon parti.

Cette fois, ce ne fut point à la représentation d’une tragédie de Voltaire, mais à celle d’un mauvais drame de Saurin, Blanche et Guiscard, imité de Thompson, qui, lui-même, en avait pris le sujet dans Gil Blas. Frétillon y avait un rôle dont on disait merveille et pour lequel Garrick était venu lui donner des leçons. J’étais d’autant plus animé contre la pièce nouvelle, que j’avais autrefois traité un sujet analogue, que je l’avais présenté aux comédiens français, et que je m’étais vu éconduit, comme un écolier par des régents de sixième. À tous ces titres, je ne pouvais pas manquer la représentation de Blanche et Guiscard.

Mes deux voisins étaient à leur poste.

— Ma foi, monsieur le chevalier, médit l’un, nous désespérions depuis quelque temps de votre présence ; on a cependant joué de bien jolies pièces, et mademoiselle Clairon s’est surpassée.

En toute autre circonstance, j’aurais vertement corrigé ce drôle, plus narquois évidemment que son devoir ne le comportait. Aujourd’hui, je ne voulais rien compromettre ; je me contentai de le regarder de travers, et de graver, pour l’avenir, son signalement dans ma mémoire.

— Mais, ajouta l’autre, lorsque nous avons vu paraître votre lettre de réclamation au sujet de la nou-