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LINGUET.

Linguet, dont le tribunal ne voulut pas entendre la défense, fut condamné à mort. « Hélas ! dit-il en rentrant dans sa prison, ce ne sont pas des juges, ce sont des tigres ! » Au moment de prendre place dans la charrette, il demanda un prêtre ; on le lui refusa : il se contenta de Sènèque et porta avec courage sa tête sur l’échafaud, le 27 juin 1794.

Ses papiers et ses manuscrits, qui étaient en grande quantité, furent transportés à l’École militaire. On fit des cartouches de ses paradoxes ; — et ce qui avait tué pendant sa vie tua encore après sa mort.


Le portrait d’un homme se complète surtout par ses lettres intimes : à ce point de vue, nous accordons une grande importance à la science des autographes. Voici une lettre de M. Linguet qui nous est communiquée par M. Dentu ; nous la transcrivons in extenso avec son orthographe et sa ponctuation. L’écriture en est moyenne et droite, avec cette particularité que toutes les lettres se tiennent : on dirait d’une uniforme série d’o liés. De là quelques mots difficiles à déchiffrer. Un diable gambadant est représenté sur le cachet de cire noire.

L’adresse porte :

« À Monsieur le baron de Tournon, à Abbeville.
« Paris, ce 6 mars 1766.
« Monsieur et cher ami,

« La confiance dont vous m’honorez ne peut que me flatter infiniment. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour y répondre. Je serai volontiers votre champion