Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/104

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avec supériorité avec les roix, il est la dupe éternelle de ses courtisans.

Dans le gouvernement de l’intérieur, il veut toujours aller du bien au mieux ; il est toujours 5 plus frappé du mal que des inconvénients qu’il y a à le réparer.

Il corrige là où il faudroit tolérer ; il s’imagine que le Peuple suivra la rapidité de son génie, et qu’il ouvrira les yeux dans un moment pour regar10 der comme des abus des choses que le temps, les exemples et la raison même lui ont fait regarder comme des loix. Avec le sublime esprit qui fait les grands hommes

et les grands crimes (sic), Pisistrate seroit un homme ô funeste, si le cœur ne réparoît en lui le défaut des principes. Mais le cœur le domine tellement qu’il ne sait ni refuser, ni punir. Incapable de tomber dans aucun inconvénient en faisant le mal, il y tombe sans cesse en faisant le bien. ") Quand il parvint au gouvernement de Sicyone, il pardonna les injures qu’on lui avoit faites ; il pardonna de même (ce qui est plus fort) celles qu’on lui faisoit. Il falloit beaucoup travailler pour lasser sa clémence. Mais, pour lors, il frappoit des 25 coups prompts et hardis, et il étonnoit et ceux qui l’avoient offensé, et ceux qui craignoient de le voir impunément offenser. Dans les premières années, Pisistrate aima. Il trouva un cœur tendre et des plaisirs que l’Amour 30 réserve aux vrais amants. Dans la suite, il courut d’objet en objet, et il est parvenu à posséder sans