Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/27

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qui ont fait dire à M. Nicole que « tous les bons livres » étoient doubles1 ».

Reconnaissons, toutefois, qu’on ne doit appliquer ce précepte que sous bénéfice d’inventaire. Il a nui certainement à notre auteur lui-même. Et d’abord, il a dérouté les esprits subtils qui mesurent la logique d’une œuvre au nombre et au poids des conjonctions qui s’y trouvent.

VI

Que Montesquieu eût écrit ou voulu écrire quelques ouvrages d’une certaine étendue, autres que les Lettres Persanes, les Considérations ou Y Esprit des Lois, on le savait jusqu’ici assez vaguement. Il était question d’une Histbire de Louis XI, dont le brouillon et la mise au net auraient été consumés par les flammes. On possédait même l’analyse des premiers chapitres d’un Traité des Devoirs, lus, en 1725, à l’Académie de Bordeaux2. Rien ne permettait, cependant, de croire que notre auteur eût commencé plusieurs autres livres, qu’il aurait abandonnés ensuite: patriœ cecidere manus3. Encore moins avait-on des raisons sérieuses pour soupçonner que la fameuse Histoire de Louis XI n’eût jamais été mise au feu, parce qu’elle n’avait existé jamais.

Les trois tomes des Pensées (manuscrites) fournissent des renseignements nombreux sur les questions que nous venons de poser.

Ils nous révèlent un Montesquieu qui se cherche luimême pendant des années, qui médite une série d’œuvres de plus en plus complexes, sans qu’elles arrivent à terme,

1. Pensées (manuscrites), tome III, folio 277.

2. Œuvres complètes, tome VII, page 66.

3. Esprit des Lois, Préface.