Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/384

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une guerre dont ils auroient porté les frais. Aussi les états tenus sous ce règne, à la requête des seigneurs, délibérèrent-ils que le frère du Roi se contenteroit d’une assignation en argent.

5 Lorsque les princes ne sont pas au comble de la puissance, rien ne les y conduit plus sûrement que la crainte de l’invasion d’une nation étrangère. Les peuples ne sont jaloux de leurs privilèges que dans l’oisiveté de la paix, qui est aussi laborieuse pour les

10 princes non absolus, qu’elle est favorable à ceux qui le sont.

On fit la paix, et vous eussiez dit que c’étoit l’ouvrage de la Discorde elle-même. Le Roi donna tout et ne se réserva pour lui que l’espoir de la ven

i5 geance, les larmes de ses peuples et l’esclavage de ses sujets. Il est certain que, si ces princes avoient pu, seulement pendant six mois, se dépouiller de leurs jalousies et de leurs méfiances, et travailler au bien de la chose, ^ls auroient mis le Roi hors d’état

ao de les inquiéter, et, si, au lieu de demander de nouvelles terres, ils avoient seulement cherché à s’assurer la possession des leurs, à mettre des bornes au crime vague de félonie et aux confiscations arbitraires, ils auroient assuré la constitution pré

25 sente et forcé le Roi à dévorer son ambition.

Il est étonnant que le Roi, dans le temps qu’il préparoit au Duc des offenses impardonnables, osât se mettre entre ses mains. Il sentit bientôt tout le danger de cet artifice. Il apprend qu’il a été trop

3o bien servi du côté de Liège ; il redouble de caresses envers les gens du Duc, et certes il n’eut jamais plus T. i. 44