Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/402

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Enfin, les deux cours ne perdirent aucune occasion pour exercer ces petites vengeances exquises comme les passions qui les font naître, et qui soulagent quelquefois la haine autant qu’une guerre « 5 ouverte.

Épernon étoit un homme également fier dans la bonne et dans la mauvaise fortune, dans la faveur et dans la disgrâce, avec ses supérieurs, ses égaux et ses inférieurs. Il savoit monter ; mais il ignoroit 10 absolument comment on pouvoit descendre.

La Reine-Mère n’avoit rien qui la mît au-dessous des femmes du commun, ni rien qui la mît au-dessus. Jamais princesse ne fut moins italienne. Elle ne vit rien au travers de ses préventions. Ses plaintes et i5 ses aigreurs éternelles éloignèrent plus qu’elles ne touchèrent son mari et son fils.

Louis, sans esprit et plus encore sans force d’esprit. Il s’amusoit à des niaiseries et étoit jaloux du gouvernement ; il prit tous les soupçons et tous

20 les chagrins que ses ministres voulurent lui donner ; il dévora tous les siens ; il dut son nom de Juste à l’exercice qu’il fit des vengeances du Cardinal. Dévôt, au lieu d’être pieux, il n’avoit pas cette dévotion qui vient de la force de l’âme, mais celle qui

25 naît de sa foiblesse.

Le caractère du Roi n’étoit pas bien différent de celui de Monsieur. Mais le métier de Monsieur étoit plus difficile à faire que celui du Roi, qui alloit tout