Page:Moréas - Esquisses et Souvenirs, 1908.djvu/86

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Mais c’était d’un air de noblesse.

Dans ses œuvres, il n’est pas pamphlétaire comme Beaumarchais. C’est un Le Sage plus élégant, moins borné, avec une certaine capacité d’abstraire qui le rapproche de l’auteur du Misanthrope.

… Je me rappelle Henry Becque entrant au bureau de tabac pour acheter des brevas… Il aimait la vie jusque dans ses moindres détails. Mais ce n’était pas un jouisseur. Il aimait même sa propre vie — sombre vie — comme un amusement. Voilà l’artiste-né.

Quelle fut la vie amoureuse de Becque ? Je l’ignore. On a publié des vers de lui sur une rupture. Ils sont mauvais. Il sentait beaucoup, mais pas en poète.

Je crois — c’est une de ces suppositions que j’aime à forger et que je donne pour ce qu’elles valent — je crois que Becque n’était pas un amoureux vrai.

Une nuit pourtant que nous descendions en flânant l’avenue de l’Opéra, il se mit à me raconter les péripéties (cabinet particulier et mystère) d’une intrigue renouée, d’un regain d’amour. Il paraissait être aux anges, et il riait de son bon rire.

Je n’en démords pas.

Le commerce des femmes