Page:Moréas - Esquisses et Souvenirs, 1908.djvu/91

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Le chasseur chanté par les poètes ne portera plus ses pas rapides le long des prairies, il ne lancera plus sa meute docile sur le lièvre et le daim craintifs. Ah ! qu’il avait du plaisir à prendre dans un piège le loup belliqueux et le renard retors, ou bien à découvrir dans les roseaux du fleuve l’ichneumon et le chat sauvage. Puis il emportait chez lui, en riant, le corps couvert d’épines d’un hérisson souple…

Avant que le Borée ne sème les funestes frimas, il me plaît de remémorer la vendange et de faire revibrer à ma façon la syrinx de Calpurnius :

… Des satyres joufflus la folâtre cohorte
Saisit la coupe alors que le hasard apporte :
L’un dans la corne courbe a savouré le vin,
Pour boire l’autre n’a que le creux de sa main.
Sur la cuve penché, j’entends cet autre encore
Qui pompe la liqueur d’une bouche sonore ;
Et quelques-uns, là-bas, sur le dos renversés,
S’inondent des raisins qu’eux-mêmes ont pressés :
De la grappe crevée, un jus de bon augure,
A force jaillissant, barbouille leur figure…

Les anciens célébraient l’Automne non sans tendresse, mais avec sérénité. Maintenant, quand l’humide auster tourbillonne, nous nous envolons, dans les sentiers désolés, avec les feuilles mortes, et nous nous accoudons près des eaux assombries où elles pourrissent.