Page:Morris - La vie ou la mort de l'art, paru dans Le Socialiste du 19 juin 1904.pdf/4

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de journal pour montrer à quel point l'ouvrier est éloigné d'avoir une part quelconque, si petite qu'elle soit, dans l'art, quand il est au travail ; mais ceux qui aiment les ouvriers, du moins, savent tout ce qui en est ; car ceux-là mêmes qui sont occupés à fabriquer les denrées que, dans le damné argot de ce qui prétend être une civilisation, on appelle des « objets d'art », doivent travailler toujours comme des machines ou comme des esclaves des machines. Et les « organisateurs du travail » prennent bien soin que ni la qualité ni la quantité d'art contenue dans ces « objets d'art » ne soit trop grande. C'est d'ailleurs une vérité très bien sentie de nous autres artistes, que ceux qui produisent la richesse de la société civilisée n'ont point de part à l'art. Ils en sont tellement séparés que beaucoup ou la plupart d'entre eux, cela est à craindre, ne se doutent même pas de ce qui leur manque à cet égard. Et cependant, je dois assurer ici et partout que l'art est nécessaire à l'homme sous peine de tomber plus bas que les brutes. C'est la domination de la bourgeoisie, de la classe moyenne, qui nous a amenés à ce point dernier que tout ce qui reste d'art (quel qu'en puisse être le mérite) est considéré comme une amusette pour la riche, tandis que pour l'ouvrier, il n'y a point d'art, ni dans son travail ni dans sa demeure ; c'est-à-dire que les ouvriers sont condamnés par