Page:Morris - La vie ou la mort de l'art, paru dans Le Socialiste du 19 juin 1904.pdf/6

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chez eux par cette amère lutte pour la vie qu'on appelle « concurrence pour les salaires », et par l'assujettissement à un maître luttant lui-même en vue de profit contre d'autres concurrents.

Le système de l'homme travaillant pour lui-même à son aise et à son loisir était infiniment meilleur, en ce qui concerne tant l'ouvrier que l'oeuvre, que ce système de division du travail qui lui a substitué la soif de profit du commercialisme grandissant. Mais, bien entendu, il est impossible de revenir à ce système simple, quand même il n'impliquerait pas – comme il le fait – un retour à tout l'état de société hiérarchique ou féodal. D'autre part, il est aussi nécessaire à l'existence d'un art qu'à d'autres égards au bien-être des hommes, que l'ouvrier ait de nouveau la direction de ses matières premières, de ses outils et de son temps : seulement cette direction ne doit plus être celle de l'ouvrier individuel, comme au Moyen-Age, mais celle de tout l'ensemble des ouvriers. Quand les travailleurs organiseront le travail au profit des travailleurs, c'est-à-dire, de tout le monde, ils sauront de nouveau ce que c'est que l'art. Si cette révolution sociale ne se faisait pas (même elle se fera nécessairement), l'art serait assuré de périr, et il n'y en aurait pas plus finalement pour le riche que pour le pauvre.