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Decrès se mit à l’œuvre avec activité. Il créa de nombreuses compagnies d’ouvriers, multiplia les ateliers sur le littoral, s’occupa des munitions, des approvisionnements, satisfit à toutes les exigences, et bientôt des milliers de navires armés, équipés, pourvus de tout ce qui leur était nécessaire, furent prêts à mettre à la voile. Mais la descente ne s’effectua point ; d’abord, parce que nos flottes, au lieu de venir la protéger, se rendirent à Cadix, et que les escadres anglaises, qui étaient dans les Indes, arrivèrent inopinément dans cette conjoncture. Ces malheureux événements semblaient être le prélude des désastres qui devaient nous assaillir.

Villeneuve, malgré les ordres du ministre de la marine, ne craignit pas d’affronter les Anglais, et une partie de la marine française périt à Trafalgar. Decrès fut profondément affecté de cette catastrophe, mais son courage n’en fut point ébranlé. Il trouva dans l’énergie de son caractère, dans la combinaison de son génie, des ressources inépuisables pour remédier à nos revers.

Il communiqua son ardeur, son héroïque constance à nos marins. Aussi exécuta-t-il de grandes et belles choses. Malgré la perte de plusieurs batailles navales, la prise de quelques-unes de nos colonies, l’insuccès de diverses expéditions, notre marine prit, sous son ministère, un rapide accroissement de forces. Pour en donner une idée avantageuse, il suffira de dire que de 55 vaisseaux dont elle se composait, en 1805 elle avait été portée à 103, et que le nombre de nos frégates était presque doublé. Le personnel des équipages présentait un effectif de 60,000 hommes sans les garnisons. Mais ce qui dépose éternellement en faveur.de Decrès, ce sont les immenses travaux qu’il a sinon conçus, du moins fait exécuter à Venise,

à Niewdep, à Flessingue, à Anvers, et surtout à Cherbourg, dont nous ne pouvions pas nous passer sans abandonner de fait la souveraineté de la Manche à l’Angleterre. Aussi, lorsqu’une partie de nos vaisseaux et de nos ports devint, en 1814, la proie de nos ennemis, Decrès éprouva-t-il un vif sentiment de douleur.

L’espoir de venger la France de cette humiliation, de lui faire recouvrer ces anciens monuments de sa puissance, fut sans doute le motif qui le décida à accepter de nouveau le ministère lors du retour de Napoléon en 1815.

A la seconde Restauration, il rentra dans la vie privée. Une instruction solide et variée, une’ rare perspicacité, toutes les ressources d’une conversation piquante, spirituelle, pleine d’agréments, faisaient rechercher encore dans la retraite.l’homme d’État qui avait fait un si noble usage du pouvoir.

Fatal et triste exemple de l’incompréhensible destinée ! Le marin intrépide qui, sur la dunette de son vaisseau, fut renversé par une explosion, s’est trouvé n’avoir survécu à ce danger que pour tomber vingt ans plus tard victime d’une autre explosion. Après lui avoir volé des sommes assez considérables, son valet de chambre résolut de le faire périr. Le 22 novembre 1820, il plaça des paquets de poudre sous les matelas de son maître, et, vers minuit, ayant allumé la mèche qu’il avait préparée à cet effet, l’explosion jeta le duc hors de son lit, tout couvert de contusions et de blessures. Son assassin, dont il invoqua d’abord le secours, ne lui répondit que par un cri d’effroi, et se précipita de la croisée dans une cour, où la violence de sa chute le fit expirer quelques heures après. Le duc Decrès fut si profondément affecté de cette catastrophe, qu’il mourut lui-même le 7 décembre 1820. (Fastes de la Lêgion-d’Honneur.)

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