Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Mélanges de littérature et de critique.djvu/396

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s’endormait la France fatiguée, au bruit lointain des victoires du consul. Il eût été de ces victoires, et il eût passé le pont d’Arcole à côté du héros, comme Belliard et Vignola, ou devant lui, comme Lannes et Muiron, s’il n’était entré par hasard, ne sachant que faire un soir, à l’Opéra-Comique.

Je demande la permission de dire que je n’invente rien ; car la vérité est souvent étrange. Il entra donc dans ce théâtre, où tout était nouveau pour lui. Quelle était la pièce qu’on représentait, j’ai essayé en vain de le savoir ; mais que ce fût le vieux Grétry chantant alors avec Marmontel, Méhul avec Hoffman, ou le tendre Monsigny avec l’inimitable Sedaine, l’impression profonde n’en fut pas moins reçue. Après le premier étonnement, au bruit de l’orchestre, aux clartés du lustre, aux feux de la rampe, à cet assemblage de l’esprit et de l’harmonie, entouré de tout ce qu’il y avait d’hommes distingués et de jolies femmes, car le consul allait a Feydeau, le matelot déjà poète vit qu’il était dans son pays. Qu’ai-je à faire autre chose, se dit-il tout bas, que de confier ma pensée à ces gens qui parlent et chantent si bien, qui savent si bien faire rire ou pleurer ? Aussitôt s’effacèrent les rêves lointains, la curiosité de suivre La Pérouse : le murmure de l’océan, qui troublait encore cette tête ardente, se confondit dans la musique, et un coup d’archet l’emporta.

Alors parurent, presque sans intervalle, ces pièces gracieuses à demi écrites, à demi chantées, qui ont