Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/343

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peint lui-même avec une évidente sincérité. Quelques traits de caractère suffiront maintenant pour l’achèvement de son portrait moral.

Je ne connais que deux hommes de génie qui, avant Alfred de Musset, aient poussé aussi loin que lui le courage de la franchise : Jean-Jacques Rousseau et lord Byron. Il leur en a coûté cher à tous deux. Le philosophe de Genève, en découvrant le fond de son âme, s’est imaginé que l’aveu de ses fautes les lui ferait pardonner ; il s’est trompé, parce que ces fautes étaient énormes, et quelques-unes impardonnables. Le poète anglais semble avoir été plus loin encore que Jean-Jacques. On croirait qu’il a cédé à la folle envie de se représenter plus méchant qu’il ne l’était réellement. C’était donner trop beau jeu à la calomnie ; elle en a si bien profité qu’aujourd’hui la postérité se voit obligée de le défendre contre lui-même : elle y réussira, mais non sans peine. Le poète français ne s’est point comparé sans raison au sacrificateur qui prend son propre cœur pour victime : il l’a mis à nu, parce qu’il n’avait rien à craindre de la vérité. Tout homme de bonne foi qui se croit fondé à lui adresser un reproche ne connaît pas bien Alfred de Musset. Quant aux gens qui n’estiment pas la poésie du cœur et l’appellent poésie personnelle, leurs préventions ne font tort qu’à eux-mêmes, et il n’y a rien à dire pour les en faire revenir. Ils ne subissent point le charme