Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

j’ai été prise d’une terreur dont rien ne peut te donner l’idée. J’ai cru que tu n’étais qu’un roué, que tu m’avais trompée à dessein par l’apparence d’un amour que tu n’éprouvais pas, et que je te voyais tel que tu étais véritablement. Ô mon ami ! j’ai pensé à la mort ; quelle nuit j’ai passée ! Tu ne connais pas ma vie ; tu ne sais pas que, moi qui te parle, je n’ai pas fait du monde une expérience plus douce que la tienne. Hélas ! elle est douce la vie, mais c’est à ceux qui ne la connaissent pas.

« Vous n’êtes pas, mon cher Octave, le premier homme que j’aie aimé. Il y a, au fond de mon cœur, une histoire fatale que je désire que vous sachiez. Mon père m’avait destinée, jeune encore, au fils unique d’un vieil ami. Ils étaient voisins de campagne, et possédaient deux petits domaines à peu près d’égale valeur. Les deux familles se voyaient tous les jours et vivaient pour ainsi dire ensemble.