Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/180

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ressemblait à de l’avarice ; je la serrais avec des bras tremblants. « Ô Dieu ! m’écriais-je, je ne sais si c’est de joie ou de crainte que je frissonne. Je vais t’emporter, mon trésor. Devant cet horizon immense, tu es à moi ! nous allons partir. Meure ma jeunesse, meurent les souvenirs, meurent les soucis et les regrets ! Ô ma bonne et brave maîtresse, tu as fait un homme d’un enfant ! Si je te perdais maintenant, jamais je ne pourrais aimer. Peut-être, avant de te connaître, une autre femme aurait pu me guérir ; mais maintenant toi seule au monde tu peux me tuer ou me sauver ; car je porte au cœur la blessure de tout le mal que je t’ai fait. J’ai été ingrat, aveugle et cruel. Dieu soit béni ! tu m’aimes encore. Si jamais tu retournes au village où je t’ai vue sous les tilleuls, regarde cette maison déserte ; il doit y avoir là un fantôme, car l’homme qui en sort avec toi n’est pas celui qui y était entré.