Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/201

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suffisent pour peindre un homme. Il avait été très amoureux d’une belle fille de son voisinage, et, après plus d’un an d’assiduités près d’elle, on consentait à la lui donner pour femme. Elle était aussi pauvre que lui. Le contrat allait être signé, et tout était prêt pour la noce, lorsque sa mère lui dit : « Et ta sœur, qui la mariera ? » Cette seule parole lui fit comprendre que, s’il prenait femme, il dépenserait pour son ménage ce qu’il gagnerait de son travail, et que par conséquent sa sœur n’aurait point de dot. Il rompit aussitôt tout ce qui était commencé, et renonça courageusement à son mariage et à son amour ; ce fut alors qu’il vint à Paris et obtint la place qu’il avait.

Je n’avais jamais entendu cette histoire, dont on parlait dans le pays, sans désirer d’en connaître le héros. Ce dévouement tranquille et obscur m’avait semblé plus admirable que toutes les gloires des champs