Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/213

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Smith parti le soir, ou nous nous taisions, ou nous parlions de lui. Je ne sais quel attrait bizarre me faisait demander tous les jours à Brigitte de nouveaux détails sur son compte. Elle n’avait cependant à m’en dire que ce que j’en ai dit au lecteur ; sa vie n’avait jamais été autre chose que ce qu’elle était, pauvre, obscure et honnête. Pour la raconter tout entière il suffisait de peu de mots ; mais je me les faisais répéter sans cesse, et sans savoir pourquoi j’y prenais intérêt.

En y réfléchissant, il y avait au fond de mon cœur une souffrance secrète que je ne m’avouais pas. Si ce jeune homme fût arrivé au moment de notre joie, qu’il eût apporté à Brigitte une lettre insignifiante, qu’il lui eût serré la main en montant en voiture, y aurais-je fait la moindre attention ? Qu’il m’eût reconnu ou non à l’Opéra, qu’il lui fût échappé devant moi des larmes dont j’ignorais la