Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/79

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Je crois qu’il ne vient que pour la chasse ; il était ami du mari ; on le dit fort riche et très généreux ; mais je ne le connais d’ailleurs presque pas, sinon par ouï-dire… »

De combien de phrases entortillées le pesant bourreau m’assomma ! Je le regardais, honteux de l’écouter, n’osant plus faire une seule question ni l’arrêter dans son bavardage. Il calomnia aussi sourdement et aussi longtemps qu’il voulut ; il m’enfonça tout à loisir sa lame torse dans le cœur ; quand ce fut fait, il me quitta, sans que je pusse le retenir, et, à tout prendre, il ne m’avait rien dit.

Je restai seul sur la promenade ; la nuit commençait à venir. Je ne sais si je ressentais plus de fureur ou plus de tristesse. Cette confiance que j’avais eue, de me livrer aveuglément à mon amour pour ma chère Brigitte, m’avait été si douce et si naturelle que je ne pouvais me résoudre à croire que