Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tant de bonheur m’eût trompé. Ce sentiment naïf et crédule qui m’avait conduit à elle, sans que je voulusse le combattre ni en douter jamais, m’avait semblé à lui seul comme une preuve qu’elle en était digne. Était-il donc possible que ces quatre mois si heureux ne fussent déjà qu’un rêve ?

« Mais après tout, me dis-je tout à coup, cette femme s’est donnée bien vite. N’y aurait-il point eu de mensonge dans cette intention de me fuir qu’elle m’avait d’abord marquée et qu’une parole a fait évanouir ? N’aurais-je point par hasard affaire à une femme comme on en voit tant ? Oui, c’est ainsi qu’elles s’y prennent toutes ; elles feignent de reculer afin de se voir poursuivre. Les biches elles-mêmes en font autant ; c’est un instinct de la femelle. N’est-ce pas de son propre mouvement qu’elle m’a avoué son amour, au moment même où je croyais qu’elle ne serait jamais à moi ? Dès le premier