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venue mettre fin aux illusions de ses amis et confirmer douloureusement les appréhensions de quelques-uns. Raoul Dufy qui ne le connaissait pas et qui le vit pour la première fois le jour qu’il dessina le beau portrait frontispice de la Romance du Retour, avait été effrayé par la flamme dévorante qui brûlait dans les yeux du poète. Le dessin de Dufy a fixé le visage de Jean Pel- lerin, dans les derniers mois de sa vie, émacié, osseux, tout consumé d’un feu intérieur, avec un inoubliable front bombé, trop lourd pour les épaules chétives. Il mettait une coquetterie à dissimuler la soufi:Vance, n’offrant à ses amis qu’un sourire mélancolique, un peu crispé, mais sans amertune. Impossible d’imaginer un être plus mystérieux et plus simple à la fois, plus aifable et plus courtois en toutes les circonstances de la vie. En dépit des tourments physiques qu’il endurait, il avait gardé cette douceur gaie et cette franche bonté qui m’avaient tant séduit lorsque Louis de Gonzague-Frick nous présenta l’un à l’autre, zux Ecrits Français. C’est à peine si l’inflexion de sa voix se nuançait de quelque ironie lorsqu’il faisait allusion aux besognes de plume auxquelles il était obligé de donner la plus grande part d’une vie qu’il aurait voulu consacrera la poésie. Il m’avait raconté le sujet de son prochain roman, qui devait avoir pour cadre ces montagnes de Savoie entre lesquelles il vient de s’éteindre. Il méditait d’autres œuvres. Celle qu’il laisse est assez mince, un recueil de pastiches, qui sont parmi les plus fins qu’on ait faits et où se remarque plus d’intelligence que de rosserie et plus de vraie sensibilité que de virtuosité facile ; des nouvelles, un court récit qui fait pressentir le romancier qu’il eût été, enfin et surtout la Romance du Retour. Sachant combien j’admirais et combien j’aimais son talent de poète, Jean Pellerin m’avait dédié cette complainte délicieuse et comme d’autre part, il avait consacré à un petit album de vers de moi une note trop élogieuse, j’avais cru devoir me priver du plaisir de présenter son œuvre aux lecteurs de cette revue. Pierre Mac Orlan s’est acquitté de ce soin et, avec un sens exquis de la qualité poétique de ce petit chef-d’œuvre, il avait rapproché le nom de Jean Pellerin de celui du malheureux et charmant Claude le Petit, l’un des premiers poètes chez qui l’on vit l’esprit satirique, le céder à la fantaisie.

Pour moi je garderai précieusement les lettres que Pellerin