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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ploi, aux plus dangereuses expériences sentimentales, auraient ici trouvé leur pente naturelle et mis en œuvre vos plus magnifiques énergies. Cette grandeur de la patrie qui vous touche, après tant de beaux dépaysements, sur n’importe quelle humble pente gazonnée de votre Lorraine, vous en eussiez ici reçu la double atteinte, vous en auriez senti la grâce à la fois naturelle et pensée, et je me dis tout bas que, sans aller si loin, vous auriez, du premier coup, mis d’accord vos passions et votre logique, votre politique et votre sensibilité.

Toi, je ne sais ce que l’avenir te réserve, pâle enfant aux épaules ramassées, qui t’accoudais au jardin suspendu, comme un oiseau prêt à s’envoler dans l’espace. Peut-être vas-tu te dessécher toujours davantage dans un air si raréfié que, seules, les plus robustes poitrines peuvent le respirer sans risques. Peut-être de hautes aventures t’attendent-elles. Peut-être encore, entre ces deux destins extrêmes, mais qui n’excèdent pas l’ordinaire, un autre t’est-il réservé, plus difficile, et plus rare, et d’un prix plus ardu. Tu peux ne pas t’éloigner un seul jour de ces bords sévères et retirés. Alors, au lieu de contracter cette aridité spirituelle, déplorable rançon de trop d’espoirs avortés, tâche de distribuer dans la conduite de ta vie et de ta raison, cette noblesse resserrée, et, si je puis ainsi dire, cette économie héroïque dont