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426 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

et le meilleur de toi, consacré par toi-même, tu le posséderas entre tes deux mains jointes.

��IV

��La vie est si pesante à mon âme, ce soir. Pair si plein de mon deuil et de ma pauvreté, que je ne songe plus qtHa ce que j^ai quitté, et que, malgré mes yeux qui savent encor voir, mes oreilles, entendre, et ma peau, s^ amincir pour me faire moins seul et plus proche du monde, un silence laiteux me sépare de lui. Mais voici que d'un coin de la chambre s'avance, a petits pas claquant dans des sabots légers, le bruit du temps qui me redevient amical. Je pressens l'heure en moi comme une délivrance. Et puis, c'est un rayon du dehors sur mes yeux, qui me rejoint par dessus l'ombre à d'autres hommes, et j'adoucis un peu, sans presque le vouloir, leur travail ou leurs larmes qu'ils croient solitaires. Silence actif, et qui tends vers ma plénitude, mon immobilité suffit pour te répandre jusqu'au fond de la nuit, car je ne veux plus être qu'une pointe de flamme aux voûtes du sommeil. Voici les maraîchers passant avec des fruits, les chaises çà et là qui gardent nos postures, un objet, au hasard, qui rappelle des mains, k feu éteint et la cuisine sans servante, et le souffle, a travers les murs, de ceux qui dorment; voici les pas tardifs d'un étranger qui rentre et que j'aime soudain, et me voici moi-même comme un enfant baigné qui sourit à son corps.

Georges Chennevière.

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