Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/295

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Mais, avant d’aller plus loin, posons la question de manière à la faire mieux comprendre, et profitons pour cela de la division indiquée par M. Sainte-Beuve, dans son excellent Tableau de la poésie au xvie siècle, qui attribue à l’école de Ronsard, et non pas à Malherbe, rétablissement du système classique en France ; on n’avait pas jusque-là appuyé assez sur cette circonstance, à cause du peu de cas que l’on faisait, à tort, des poëtes du xvie siècle.

Nous dirons donc maintenant : Existait-il une littérature nationale avant Ronsard, mais une littérature complète, capable par elle-même, et à elle seule, d’inspirer des hommes de génie, et d’alimenter de vastes conceptions ? Une simple énumération va nous prouver qu’elle existait : qu’elle existait, divisée en deux parties bien distinctes, comme la nation elle-même, et dont par conséquent l’une, que les critiques allemands appellent littérature chevaleresque, semblait devoir son origine aux Normands, aux Bretons, aux Provençaux et aux Francs ; dont l’autre, native du cœur même de la France, et essentiellement populaire, est assez bien caractérisée par l’épithète de gauloise.

La première comprend : les poëmes historiques, tels que les romans de Rou (Rollon) et du Brut (Brutus), la Philippide, le Combat des trente Bretons, etc. ; les poëmes chevaleresques, tels que le Saint Graal, Tristan, Partenopex, Lancelot, etc. ; les poëmes allégoriques, tels que les romans de la Rose, du Renard, etc., et enfin toute la poésie légère, chansons, ballades, lais, chants royaux, plus la poésie provençale ou romane tout entière.

La seconde comprend les mystères, moralités et farces (y compris Patelin) ; les fabliaux, contes, facéties, livres satiriques, noëls, etc. : toutes œuvres où le plaisant dominait, mais qui ne laissent pas d’offrir souvent des morceaux profonds ou sublimes, et des enseignements d’une haute morale parmi des flots de gaieté frivole et licencieuse.

£h bien, qui n’eût promis l’avenir à une littérature aussi