Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/323

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sur l’air du cantique de Joseph. Remarquez une chose, c’est que les odelettes se chantaient et devenaient même populaires, témoin cette phrase du Roman comique : « Nous entendîmes la servante, qui, d’une bouche imprégnée d’ail, chantait l’ode du vieux Ronsard :


Allons de nos voix
Et de nos luts d’ivoire
Ravir les esprits ! »


Ce n’était, du reste, que renouvelé des odes antiques, lesquelles se chantaient aussi. J’avais écrit les premières sans songer à cela, de sorte qu’elles ne sont nullement lyriques. Celle qui est intitulée les Cydalises est venue malgré moi sous forme de chant ; j’en avais trouvé en même temps les vers et la mélodie, que j’ai été obligé de faire noter, et qui a été trouvée très-concordante aux paroles. — Ni bonjour ni bonsoir, est calqué sur un air grec.

Je suis persuadé que tout poëte ferait facilement la musique de ses vers s’il avait quelque connaissance de la notation.

Rousseau est cependant presque le seul qui, avant Pierre Dupont, ait réussi.

Je discutais dernièrement là-dessus avec S***, à propos des tentatives de Richard Wagner. Sans approuver le système musical actuel, qui fait du poète un parolier, S*** paraissait craindre que l’innovation de l’auteur de Lohengrin, qui soumet entièrement la musique au rhythme poétique, ne la fît remonter à l’enfance de l’art. Mais n’arrive-t-il pas tous les jours qu’un art quelconque se rajeunit en se retrempant à ses sources ? S’il y a décadence, pourquoi le craindre ? s’il y a progrès, où est le danger ?

Il est très-vrai que les Grecs avaient quatorze modes lyriques fondés sur les rhythmes poétiques de quatorze chants ou chansons. Les Arabes en ont le même nombre, à leur imitation. De ces timbres primitifs résultent des combinaisons infinies, soit pour l’orchestre, soit pour l’opéra. Les tragédies antiques étaient des