Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/324

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opéras, moins avancés sans doute que les nôtres ; les mystères du moyen âge étaient aussi des opéras complets avec récitatifs, airs et chœurs ; on y voit poindre même le duo, le trio, etc. On me dira que les chœurs n’étaient chantés qu’à l’unisson, — soit. Mais n’aurions-nous réalisé qu’un de ces progrès matériels qui perfectionnent la forme aux dépens de la grandeur et du sentiment ? Qu’un faiseur italien vole un air populaire qui court les rues de Naples ou de Venise, et qu’il en fasse le motif principal d’un duo, d’un trio ou d’un chœur, qu’il le dessine dans l’orchestre, le complète et le fasse suivre d’un autre motif également pillé, sera-t-il pour cela inventeur ? Pas plus que poëte. Il aura seulement le mérite de la composition, c’est-à-dire de l’arrangement selon les règles et selon son style ou son goût particulier.

Mais cette esthétique nous entraînerait trop loin, et je suis incapable de la soutenir avec les termes acceptés, n’ayant jamais pu mordre au solfège. Seules, mes strophes intitulées Chœur souterrain, ont une couleur ancienne qui aurait réjoui le vieux Gluck.

Il est difficile de devenir un bon prosateur si l’on n’a pas été poëte ; ce qui ne signifie pas que tout poète puisse devenir un prosateur. Mais comment s’expliquer la séparation qui s’établit presque toujours entre ces deux talents ? Il est rare qu’on les accorde tous les deux au même écrivain : du moins l’un prédomine l’autre. Pourquoi aussi notre poésie n’est-elle pas populaire comme celle des Allemands ? C’est, je crois, qu’il faut distinguer toujours ces deux styles et ces deux genres — chevaleresque et gaulois, dans l’origine, — qui, en perdant leurs noms, ont conservé leur division générale. On parle en ce moment d’une collection de chants nationaux recueillis et publiés à grands frais. Là, sans doute, nous pourrons étudier les rhythmes anciens conformes au génie primitif de la langue, et peut-être en sortira-t-il quelque moyen d’assouplir et de varier ces coupes belles mais monotones que nous devons à la réforme classique. La rime riche est une grâce, sans doute, mais elle