Page:Newton - Principes mathématiques de la philosophie naturelle, tome premier.djvu/19

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quence ne se déployoit que quand elle avoit des objets dignes d’elle. Ces Lettres où il ne s’agit que de montrer de l’esprit, les petites finesses, ces tours délicats que l’on donne à des choses ordinaires, n’entroient point dans l’immensité de ses talents ; le mot propre, la précision, la justesse & la force étoient le caractère de son éloquence ; elle eût plutôt écrit comme Pascal & Nicole, que comme Madame de Sevigné. Mais cette fermeté sévère & cette trempe vigoureuse de son esprit ne le rendoient pas inaccessible aux beautés de sentiments : les charmes de la Poësie & de l’Eloquence la pénétroient, & jamais oreille ne fut plus sensible à l’harmonie. Elle savoit par cœur les meilleurs vers, & ne pouvoit souffrir les médiocres. C’étoit un avantage qu’elle eut sur Newton, d’unir à la profondeur de la Philosophie, le goût le plus vif & le plus délicat pour les Belles Lettres.

On ne peut que plaindre un Philosophe réduit à la sécheresse des vérités, & pour qui les beautés de l’imagination & du sentiment sont perdues.

Dès sa tendre jeunesse elle avoit nourri son esprit de la lecture des bons Auteurs, en plus d’une Langue ; elle avoit commencé une traduction de l’Enéïde dont j’ai vû plusieurs morceaux remplis de l’ame de son Auteur : elle apprit depuis l’Italien & l’Anglais. Le Tasse & Milton lui étoient aussi familiers que Virgile: elle fit moins de progrès dans l’Espagnol, parce qu’on lui dit qu’il n’y a gueres, dans cette Langue, qu’un Livre célèbre, & que ce Livre est frivole.