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Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/101

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ainsi prodiguer la plus grande des récompenses militaires, et monter tant de lieutenants généraux d’un seul coup au même rang que lui ; mais cette promotion devait déplaire infini­ ment au maréchal de Belle-Isle, et l’on n’est jamais très-con­ trarié du désagrément qu’un ennemi partage.

Madame d’Egmont, éclairée sur le danger où allait l’entrainer sa faiblesse, forma la résolution de ne pas sortir de chei, elle ou de chez son père avant son départ pour Richelieu, et cela afin de ne plus rencontrer le comte de Gisors ; le courage dont elle eut besoin pour tenir cette résolution lui apprit à quel point elle était nécessaire.


XIX

UNE CONVERSATION

On était au 28 mars 1757. Le maréchal de Richelieu, de ser­vice auprès du roi, avait chargé madame d’Egmont de faire les honneurs de ce qu’il appelait son dîner académique, car il n’avait pas moins de coquetterie pour les beaux esprits que pour les jolies femmes, et il se plaisait à les rassembler souvent. MM. d’Alembert et de Condorcet, l’abbé de Bemis, Marmontel, d’Argental et Gentil Bernard y causaient avec plusieurs des personnes de la cour qui faisaient profession d’aimer l’esprit, et qui attachaient beaucoup de prix à être invitées à ces réunions, dont le premier mérite était de n’être nullement pédantes ; la gaieté en faisait d’ordinaire tous les frais ; mais ce jour-là, soit que la disposition de la comtesse d’Egmont influât sur les convives, soit que les événements prêtassent peu à la plaisanterie, le duc de Richelieu se plaignit, en arrivant le soir, du sérieux de tous les visages.

LE COMTE DM B***.

On serait sérieux à, moins, je vous jure, monsieur le maré­chal ; et, si vous aviez assisté au petit spectacle qu’on m’a forcé de subir ce matin, vous ne ririez pas d’un mois.