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Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/99

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aussi ne vous ai-je pas même parlé du bruit qui s’est répandu un moment sur ce sujet à la cour ; je savais que votre fierté ne se soumettrait jamais à une condition si humiliante ; et pourtant vous seule aviez assez de noblesse dans le caractère pour recommencer la gloire du règne de madame de Châteauroux ; mais le roi était jeune alors, et accessible à toutes les idées généreuses, brillantes ; il n’avait pas été l’esclave d’une bourgeoise tracassière, dont la politique au niveau de son petit esprit ne s’élève pas au-dessus des intrigues de cour. Le roi valait alors qu’une femme lui sacrifiât son honneur ; aujourd’hui ce serait se perdre sans profit pour la France ; et puis vous avez un amour dans le cœur, un de ces entêtements dont je connais mieux qu’un autre tout le despotisme ; vous ne sauriez vous en distraire ; mais cette affection qui enchante votre vie, en dépit de tous les obstacles, peut se changer tout à coup en long désespoir. Écoutez-moi, Septimanie, ce n’est pas ici le langage d’un père qui prêche la morale dont il s’est trop souvent moqué ; ce sont les conseils d’un ami éclairé par ses torts, qui sait par une longue expérience ce qu’on recueille de ses faiblesses. Eh bien, chez nous autres hommes, il n’est pas un amour sur cent… et peut-être sur mille, qui survive à un triomphe complet. Cela n’est pas seulement le lieu commun des âmes vulgaires, c’est le sort inévitable des imaginations passionnées ; quand l’objet de notre adoration cède à nos désirs, c’est la divinité qui se fait femme ; le culte est anéanti.

Dans le mariage, tant de liens, tant d’intérêts unissent encore après l’extinction de l’amour, qu’on s’aperçoit à peine de son refroidissement ; mais dans une liaison dont la passion seule est l’excuse, représentez-vous le supplice d’une femme qui voit diminuer sa puissance à chaque sacrifice qui devrait l’augmenter !…

— Ah ! s’écria madame d’Egmont, plutôt la mort que cette honte…

— Eh bien, c’est ce honteux supplice que je veux t’épargner ; en vain penserais-tu que tant de charmes réunis pourraient t’en garantir ; non, te dis-je, plus l’idole est parée