Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en sorte que le coupable est comme fasciné par son souvenir et la sensation de n’être que l’attribut de son acte. C’est ce trouble intellectuel, une espèce d’hypnotisation, qu’il faut combattre avant tout. Un simple acte, quel qu’il soit, s’il ne se répète pas, mis en parallèle avec tout ce que l’on fait, est égal à zéro et peut être déduit sans que le compte général en soit faussé. L’intérêt inique que peut avoir la société à contrôler notre existence tout entière, dans un sens seulement, comme si c’était son but de faire ressortir un acte particulier, ne devrait pas contaminer le coupable lui-même, mais il en est malheureusement presque toujours ainsi. Cela tient à ce que chaque acte est suivi de conséquences inaccoutumées, accompagné de troubles cérébraux, quelle que soit d’ailleurs la nature de ces conséquences, bonnes ou mauvaises. Regardez un amoureux qui a obtenu une promesse, un poète, qu’une salle de théâtre applaudit : pour ce qui en est de la torpeur intellectuelle ils ne se distinguent en rien de l’anarchiste que l’on surprend par une visite domiciliaire. Il y a des actions qui sont indignes de nous, des actions qui, si on leur donnait une valeur typique, nous abaisseraient à une espèce inférieure. Il s’agit précisément d’éviter la faute que l’on commettrait en les considérant comme typiques. Il y a, par contre, une catégorie d’actions dont nous ne sommes pas dignes ; des exceptions nées d’une particulière