Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/154

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Oblomov est l’incarnation vivante des qualités supérieures du Russe : paresse, inactivité, apathie. Le roman est triste, le lecteur suit l’exemple contagieux d’Oblomov : il sommeille. Ceux qui ont le courage de terminer, de lire même le « rêve » d’Oblomov, se disent involontairement : « Heureux peuple, il ne fait que dormir et rêver ! »

La peinture du caractère d’Oblomov est le plus grand mérite de Gontcharov. La Russie devrait substituer à l’Aigle un autre symbole : deux figures, l’une debout, geste emphatique d’orateur : Roudine ; l’autre, couchée, expression de béatitude : Oblomov.

Une question à débattre : — je la pose aux psychologues russes : — Est-ce Roudine qui fait dormir Oblomov ? sont-ce les rêves d’Oblomov qui inspirent l’éloquence passive de Roudine ?

Ce qu’on admire surtout chez Gontcharov, c’est sa langue pure et colorée. La plasticité, la sobriété, l’aisance, la netteté sont ses qualités principales. Son vocabulaire est très riche, il emploie toujours des mots justes. L’artiste se devine au choix de l’épithète, à l’association des mots, à la structure de la phrase, toujours rigoureuse et ciselée. Gogol, Tourgueniev et Gontcharov sont les meilleurs stylistes russes.