Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/185

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Constantinople deviendra le centre du panslavisme… Nous pouvons nous fier à notre colosse… » C’est l’ancien forçat innocent, c’est l’auteur de la Maison des Morts qui écrit ces paroles chauvines !

Conservateur et mystique, champion du panslavisme le plus pur, disciple fervent de l’Église orthodoxe, perle des patriotes, Dostoi’evsky devient l’espoir, le guide suprême des slavophiles dont on connaît la théorie : la Russie et rien que la Russie ! Les slavophiles mettent autant de soin jaloux à écarter de leur pays l’élément étranger que les musulmans à écarter les amoureux de leurs harems. Tout ce qui est étranger est ennemi. La Russie ne doit rien connaître des perfectionnements que l’Europe et la civilisation peuvent introduire dans l’organisation politique et sociale. Protéger la production nationale contre la concurrence étrangère, protéger le développement national contre toutes les idées du dehors, affirmer que Pierre le Grand et Catherine II ont fait fausse route en empruntant les institutions, les sciences de l’étranger, telles sont les idées des slavophiles. Leur desideratum, ce serait de pouvoir remonter à une époque antérieure à Pierre le Grand et de recommencer le développement de la Russie sur de nouvelles bases.

Au nom des slavophiles, Dostoïevsky prononce, à Moscou, à l’inauguration du monument de Pouchkine, un discours d’un chauvinisme maladif. « Mon discours sur Pouchkine, prononcé à la séance de la Société des Amis de la Littérature russe, a produit une grande impression. Ivan Serguéievitch Aksakov, le représentant des slavophiles, a déclaré que ce discours était un événement, — note modestement l’auteur dans son Journal destiné à la publicité immédiate. — Quand je suis descendu de l’estrade, les occidentaux aussi bien que les slavophiles sont venus me serrer les mains, en affirmant que mon discours était génial. Ils ont beaucoup insisté sur ce mot génial. J’ai