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OVIDE

L’onde claire, en fuyant, d’herbe habille les prés ;
La terre est un tapis agreste.
Mais mon amour est loin (voilà deux mots errés) :
Ma belle est loin ; mon amour reste.

Ah ! qu’on me mît au ciel près des brillants Gémeaux,
Sans toi, ce serait le Tartare.
Qu’Atropos et Tellus prennent, tassent les os
Des voyageurs au cœur barbare !
Au moins, chacun devait s’adjoindre deux beaux yeux,
En sillonnant ainsi le globe.
Eussé-je à gravir, moi, les Apennins venteux,
Je brûlerais, touchant ta robe.
Près d’elle, j’oserais aux Syrtes me risquer,
Aux fous Notus livrer ma barque,
Entendre de Scylla les hurleurs se choquer,
Voir Malée, en bravant la Parque.
J’affronterais Charybde, où s’engouffrent les mâts
Qu’elle vomit et court reprendre.
Que si, l’effort d’Éole ouvrant le sombre amas,
Au fond nos chers dieux vont se rendre,
Suspends tes bras de neige à mon col résistant :
Porter ce doux poids m’est facile.
À nager pour Héro Léandre fut constant ;
Il échappait, sans l’ombre vile.

Seul, loin de toi, malgré les vignobles en fleur,
Les champs baignés d’ondes limpides