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OVIDE

Céderai-je, ou faut-il qu’en luttant je l’irrite ?
Cédons au poids, pour l’adoucir.
J’ai vu croître le feu, quand un souffle l’excite,
Sans excitant le feu mourir.
Les coups épargnent moins le bœuf au joug rebelle
Que les bœufs prompts à s’y ranger ;
Pour un coursier rétif la main est plus cruelle :
Qu’il vole, et le mors est léger.
Ainsi des cœurs altiers : Cupidon les foudroie,
Mais il épargne ses amis.
Eh bien ! je le confesse, Amour, je suis ta proie !
Vers toi je tends mes bras soumis.
Grâce ! ma voix t’implore, entre nous plus de guerre ;
Vainqueur, il sied de pardonner.
Accouple, orné de fleurs, les oiseaux de ta mère ;
Mars a son char à te donner.
Parais alors, guidant le divin attelage,
Au bruit d’unanimes bravos.
De jeunes prisonniers seront ton entourage
Dans ce triomphe sans rivaux.
Moi-même je viendrai, traînant, docile esclave,
Ma blessure et mes nouveaux fers.
Pudeur et Conscience, et quiconque te brave,
Suivront de chaînes recouverts.
Tout frémira de crainte. À genoux, Rome entière
Criera : « Triomphe ! » à pleine voix.
Enfin t’escorteront Baisers, Erreur, Colère,
Ces complices de tes exploits.