Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/26

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Renan, dans cette hypothèse, comme on dit, serait un défroqué.

Non seulement un défroqué, mais il serait le prince et l’ordonnateur, l’ordinateur des défroqués, le premier de tous, le premier en date et le premier en dignité, l’inventeur du genre et en même temps, du même genre, la plus grande illustration, le plus illustre exemple, car il serait enfin Renan le fondateur, l’initiateur, l’instaurateur, instauratio magna, celui qui le premier fit la plus grande opération laïque, laquelle est naturellement la plus grande aussi de toutes les opérations humaines, laquelle est naturellement, étant donné un clerc, d’en faire un laïque, celui qui le premier fit la grande renonciation, celui qui le premier fit, et cela sur soi-même, la plus grande opération, celui qui donc en fut récompensé, comme de juste, par la plus grande récompense temporelle, par le plus de gloire, par le plus de gouvernement, par le plus de postérité intellectuelle.

Ne croyons pas, n’allons pas nous imaginer qu’en intronisant Renan comme le prince, comme le Défroqué en chef, ils aient aucunement eu l’intention de le diminuer. Au contraire. Fils intellectuels de Renan, postérité innombrable, ils ont vu parmi eux croître et embellir une telle puissance, un si nombreux contingent, une telle race de défroqués authentiques, officiels, et pour ainsi dire confessionnels, dans le laïque, ils ont vu ces défroqués envahissants et montants recevoir ou prendre un tel gouvernement, un tel commandement parmi les puissances politiques et parlementaires, qui sont à leurs yeux les puissances essentielles, qu’ils croient au contraire avoir grandement augmenté Renan quand ils