Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/28

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dans le monde des Principautés, mais au titre étranger, au titre de représentant du peuple et de délégué de la République aux armées. Il sera leur grand représentant, leur grande autorité, celui sous lequel ils se couvriront contre les Puissances redoutables. Il est le patron du grand Village moderne contre le toujours nouvel Ennemi. Je dirais qu’il est le grand Totem, si ce n’était ici un mot dont nous avons éprouvé qu’il ne faut jamais user qu’avec la plus grande circonspection. Par cette investiture ils n’entendent nullement le diminuer. Mais ils veulent le restituer, au contraire, lui conférer le plus grand honneur qu’il y ait chez eux, dans leur pays, dans le pays de la Science. Ils ont vu les défroqués subsidiaires atteindre chez eux et parmi eux à de telles fortunes qu’ils ne croient rien pouvoir imaginer de mieux, de plus flatteur, de plus populaire, pour l’ancêtre, le grand homme, que de se le représenter, de le représenter et de le fêter et de l’inaugurer comme le défroqué en chef. Tel fut exactement le sens et la valeur de l’inauguration du monument de Renan à Tréguier. Et cette inauguration n’était elle-même que le point d’aboutissement d’une longue et laïque intronisation, introduction, de tout un cheminement elle-même. Elle était entièrement, intégralement, dans cet ordre de pensées et de célébration. C’était littéralement une intronisation, bien plutôt, beaucoup plus qu’une commémoration. Ou tout au moins il s’agissait de faire atteindre à la mémoire de Renan une fortune capitale, une fortune qui fût la première dans l’ordre des fortunes atteintes par ceux que l’on tenait à considérer comme ses élèves, comme ses simples imitateurs.

On se rattrapait sur sa mémoire et sur la glorification